Brèves de cantine

Une hospitalité bien arrosée ou La pluie des mangues.

Une hospitalité bien arrosée…

 

logo_onCe matin-là, comme tous les jours en se levant, on proclama haut et fort : ce sera encore une belle journée… L’ironie du propos était notre façon de conjurer le sort jeté par le dieu Ra et de nous préparer à savourer, dans les heures qui allaient suivre, les 45° de fraicheur relative que nous offrirait l’ombre de l’arbre, digne de ce nom, que l’on pouvait espérer rencontrer dans cette savane épineuse du sud de la Mauritanie.

Nous avions quitté Dakar, Christian Bouleau et moi-même, quelques mois plus tôt, non pour rentrer sur Paris, mais pour rejoindre notre terrain de jeu qui s’étendait entre le fleuve Sénégal et le parallèle de Moudjéria, quelques 300km plus au nord. C’était mon cinquième séjour dans cette région et cette année-là, la mission prévoyait de rejoindre, en traversant la dite région au rythme de nos prospections, sa bordure orientale que soulignait la falaise des grès de l’Assaba.

Sauf impondérable, nous n’étions plus, ce matin-là, qu’à quelques heures de notre objectif, que nous espérions donc atteindre en fin de journée . Mais c’était sans compter avec les aléas de l’aventure…

La première surprise du chef fut la rencontre, sur notre route, d’un campement de « Blancs », en un endroit qui n’avait pourtant rien de touristique..Ils étaient deux gaillards dans la force de l’âge et, les présentations faites, nous apprîmes qu’ils étaient ingénieurs TP et qu’ils étaient là pour étudier un projet de barrage.

Comme ils nous en priaient dans l’instant, il nous paru difficile de ne pas accepter de passer un moment avec eux, ne serait-ce que par reconnaissance pour cette opportunité aussi imprévue qu’improbable…. après des mois de pérégrinations solitaires…L’hospitalité qui nous fut offerte comprenait le gîte et le couvert…On repartirai donc le lendemain matin frais et dispos…en oubliant que rien ne se passait jamais normalement dans des situations sortant de l’ordinaire..

La soirée fut très agréable, consacrée entre autres à se raconter nos aventures et nous avons pu noter in petto que nos conditions de travail, en l’occurrence au BRGM, n’étaient pas forcément enviables…Mais parler donne soif et les verres de whisky succédèrent aux verres de whisky durant les heures qui suivirent. Ce ne fut pas le diner, nécessairement frugal lorsqu’on se trouve en brousse, qui nous permit d’éponger tout ce que nous avions bu et nous étions passablement ivres lorsque nous avons pu rejoindre les deux lits de camp qu’on avait mis à notre disposition.

Le sommeil fut instantané, bien que le lit de camp militaire ne soit pas ce qu’on trouve de plus confortable dans la panoplie du petit campeur ! Je ne me souviens pas exactement quelle heure il était lorsque je me suis réveillé, mais je me souviens parfaitement que cela faisait « floc..floc « au contact de la toile du lit lorsque je remuais…avec de plus une très désagréable impression d’humidité…

Ce fut là là deuxième surprise du chef : il pleuvait à verse et sans doute depuis un bon moment car l’eau dégoulinait de partout et les morceaux de toile qui étaient censés constituer un abri au dessus de nos têtes n’avaient pu empêcher la pluie d’emplir le creux de nos lits dont la toile est relativement imperméable…Christian et moi étions certes dégrisés mais trempés comme des soupes, faute à notre état éthylique d’avoir été réveillés par les premières gouttes !

Je ne sais plus exactement ce qui s’est passé par la suite, sans doute avons-nous terminé la nuit mieux abrités. Mais je me souviens parfaitement que nous avons pris congé de nos hôtes dès le petit matin, avec l’unique pensée de nous éloigner le plus vite possible de ce lieu de perdition…

Il nous fallut la journée pour rejoindre la falaise car la savane s’était transformée en fondrière : la fine pellicule d’eau qui la recouvrait lui donnait l’aspect d’un lac d’où émergeaient les épineux…mais il était surtout devenu quasiment impossible de rouler normalement, chacun de nos deux véhicules s’embourbant à tour de rôle…Le treuil du power wagon fut mis à rude épreuve…mais nous prîmes finalement le parti de rire..surtout à la vue des arabesques que nous laissions derrière nous sur le sol inondé !

Que dire de notre sensation de délivrance, lorsque le soir venu, bien que crottés, mouillés, épuisés, nous sommes arrivés au pied de la falaise, en même temps que le soleil qui était revenu teintait de rose et de violet les grès qui la constituaient…

C’est ainsi que nous avons fait connaissance avec la pluie des mangues !

Jean-Claude Chiron


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