Brèves de cantine

Mission Phosphates en Iran

1974, 1975 et 1976

La journée avait mal commencé, peut-être parce que nous venions de déménager notre camp dans une autre région, que nous ne connaissions pas le nouvel environnement géologique, que nous avions été rincés toute la nuit avec de l’eau qui venait de toutes parts sous les tentes, alors que le soleil était censé briller trois cent soixante-deux jours par an.

Cela s’est poursuivi lorsque l’hélicoptère nous avait posés. Nous avions été obligés de changer de secteur en perdant beaucoup de temps. Aussi, lorsque le bruit de l’hélicoptère qui venait nous chercher se fit entendre dans la structure voisine, nous étions au milieu d’un immense  » clapier « , sans possibilité de sortir rapidement de ce chaos de roches effondrées.

Il a fallu nous signaler par un fumigène, ce qui n’était pas très glorieux. Le pilote américain, ancien de la guerre du Vietnam, a dû nous repérer d’une façon acrobatique ; un patin à peine posé sur un gros bloc et l’autre dans le vide, tout en évitant de les coincer sous un rocher.

Généralement, les pilotes évitaient de faire le plein de kérosène pour alléger leur machine et emmener géologues et échantillons dans un air toujours surchauffé, bien moins porteur. Notre pilote, habitué à nous récupérer sans  problème, n’avait pas dérogé à la règle. Mais, à présent, il était tendu et surveillait de près la jauge dont l’aiguille était sur le zéro. Dès qu’il le put, il cabra son appareil et le mit à moins de deux mètres de la terre pour bénéficier de  » l’effet de sol  » et se propulser plus économiquement.

Tout était lugubre. Le ciel bas, noir, plombé, illuminé sans cesse par les éclairs. Le désert, minéral, déchiqueté. L’ambiance focalisée sur la jauge n’était pas meilleure.

Soudain, l’homme apparut au milieu de ce désert, à une vingtaine de mètres, sur notre gauche alors que nous n’avions pas vu âme qui vive de toute la journée. Il marchait d’un pas rapide, chaussé de souliers vernis, vêtu d’un costume sombre trois-pièces et d’une chemise blanche dont on distinguait les boutons de manchettes. Sa main droite tenait une petite mallette noire, comme un homme d’affaires au milieu de la City. Nous n’avons pas vu son visage qu’il n’a pas daigné tourner vers nous.

Ahuris, nous nous sommes regardés et sommes tous partis d’un énorme éclat de rire.

Bernard BOURGUEIL

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