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Quels métiers pour les Sciences de la Terre au XXIème siècle ?

A l’instar d’autres métiers comme ceux de la santé, ceux de la géologie se sont considérablement diversifiés et spécialisés dans la deuxième moitié du XXème siècle.

Alors que dans les années 1950, le géologue était tout à la fois cartographe, pétrographe, paléontologue, hydrogéologue, géochimiste  et utilisait tous ces savoirs aux fins de l’exploitation minière, de la construction d’ouvrages ou de la mise en valeur des ressources en eaux, la deuxième moitié du XX ème siècle a vu émerger de nombreuses spécialités : métrologie, structuralisme, rudologie pour le traitement des déchets, géotechnique, minéralurgie pour le traitement des minerais, infographie, gemmologie, paléogéographie, cindynique pour l’étude des dangers et des risques …

Aujourd’hui, il convient d’ajouter à tout cela la gestion de bases de données et de réseaux, la modélisation, les statistiques et encore bien d’autres disciplines. Il convient également de souligner que les Sciences de la Terre, tournées à l’origine vers un monde strictement minéral, complètent leur champ d’action par celui de la biologie et de la matière organique qui commandent de nombreux processus. Ainsi, en fonction des conditions d’oxydoréduction, les bactéries ne jouent-elles pas un rôle fondamental dans la formation des gisements d’hydrocarbures, de charbon, de sulfures sur les cheminées des rides océaniques ou dans l’auto-épuration des eaux souterraines contaminées par des nitrates ou des hydrocarbures !

Comme me le faisait remarquer Jean Claude MICHEL, collègue du BRGM, à cela s’ajoute le champ d’action des géologues qui s’étend aujourd’hui aux différents corps célestes. Peut-être faudrait-il alors les dénommer Mars-logue, Séléno-logue, Vulcaino-logue, Mercuro-logue, Vénuso-logue et autres Astro-logues pour ceux d’entre nous qui se consacrent à l’étude des astres et planètes qui nous entourent et laisser le bénéfice de la planète Terre aux Géo-logues

La complexité des projets conduit ainsi à associer de nombreux métiers qui, peu ou prou, n’existaient pas il y a un demi-siècle et dont il ne faut pas exclure les aspects réglementaires, normatifs ou juridiques.

Pour le bon aboutissement de ces projets ne manque qu’un chef d’orchestre, ingénieur généraliste expérimenté et doué de toutes les qualités d’animation, de dialogue, d’analyse et de synthèse ainsi que de mobilité physique et intellectuelle.

Comme dans le domaine de la santé, cette denrée se fait rare, car il faut temps et expérience pour identifier et développer ce type de profil alors que l’évolution cyclique du marché des matières premières a conduit à créer des « trous » dans les recrutements.

Demain, que seront nos métiers ? Sans doute les tendances décrites iront-elles en s’accentuant, mais le foisonnement dans l’acquisition des données, la complexité des projets, la rapidité des prises de décision et d’exécution s’accroît. Elles nécessiteront, plus encore que par le passé, des ingénieurs généralistes capables d’anticiper pour mieux gérer les projets en s’appuyant sur l’intelligence artificielle. Les questions qui se posent sont de savoir comment identifier et former ces généralistes, quels bagages leur fournir et à quelle formation continue leur donner accès ?

Au cours de ces dernières décennies, les spécialistes ont été privilégiés au détriment des généralistes. Sans doute est-il temps de redonner à ces derniers la place qui leur revient, place éminemment nécessaire à la conduite et à la réussite des projets, que ceux-ci
concernent la recherche, l’exploitation minière, l’aménagement du territoire et plus encore l’environnement qui s’appuie sur des équipes pluridisciplinaires.

L’ouverture des filières de formation « Sciences de la Terre » à d’autres disciplines ne pourra que favoriser le développement de nos métiers fondamentaux. Créer et multiplier les interfaces avec les métiers de la Santé, du Droit, de la Métrologie, du Traitement de l’Information et de la Communication, mais aussi de la Protection du Patrimoine ne peut être que source de valeur et de reconnaissance pour les Géologues.

Alors que les Sciences de la Terre représentent le seul domaine où le praticien a un rapport avec des échelles de temps inconnues des autres métiers, garder la spécificité de nos savoirs en s’enrichissant au contact d’autres connaissances, voilà bien le challenge des années à venir !

 Jacques RICOUR

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