Brèves de cantine

Ma première affaire au BRGM

Ma première affaire au BRGM

 

J’avais passé les vacances de mon enfance dans le Versailles de la Géologie, je veux dire entre Causses, Cévennes et Montagne Noire, un ensemble où sont représentés des terrains de tous les âges depuis le précambrien, où ont été exploités presque tous les métaux et presque toutes les substances utiles (à l’exclusion – malheureusement – du platine et du diamant).

J’ai un peu pratiqué la spéléo et ai appliqué cet art à l’exploration à Cabrières d’anciennes mines de cuivre antimonié, datées de – 5 300 ans et, à Clermont l’Hérault, de carrières souterraines d’une barytine exploitée là essentiellement pour sa pureté et donc sa blancheur : je collectionnais des malachites, des
azurites, des barytines crêtées, des fluorines …

Cela m’a rendu géo-mane et j’ai fait ce qu’il fallait pour vivre dans et pour le monde minéral.

Me voilà donc heureux au Maroc, Directeur-Adjoint en charge du Département minier d’un important groupe privé diversifié.

Las ! Choc pétrolier ! Le gouvernement français s’inquiète de l’approvisionnement de son industrie en matières premières minérales. Il encourage l’investissement minier avec le Plan Métaux et demande au BRGM d’organiser un inventaire des ressources minières nationales et de créer une filiale minière qui accompagnera en France ou à l’étranger les investisseurs nationaux timorés.

Il demande aussi de renforcer l’équipe de Projets Miniers pour mieux aider les géologues explorateurs du BRGM à penser économie de leurs découvertes : on m’appelle en complément.

Mon camarade centralien Daniel Urbain m’accueille, me trouve un bureau. Et Jacques Bertraneu, en charge de France-Europe, pousse la porte et me tend un dossier :
« Bouteloup, voilà une affaire minière délicate dont vous n’avez certainement jamais entendu parler car elle se passe au fond du Midi, non loin de Montpellier : il s’agit de médiocres gisement de barytine à Clermont l’Hérault ».
Lui ai-je avoué tout de suite que je connaissais le sujet … de l’intérieur des
gisements ?
Il continue : « Vous savez que les boues lourdes de barytine servent dans les forages pétroliers. Des aigrefins ont circonvenu un prince arabe, vantant les réserves de ce minéral autour de Clermont l’Hérault ;
réserves, à leur dire, si importantes qu’elles lui assureraient un
approvisionnement exceptionnel pour ses forages. Ils lui ont fait
financer la construction d’une usine de traitement de bonne capacité et quelques travaux miniers … qui ont tourné court faute de minerai. Faites-vous votre opinion et recevez un représentant de ce prince arabe ».

 Et j’ai vu arriver un homme de loi britannique, avec pépin, chapeau melon et serviette de cuir, auquel j’ai dû expliquer la différence entre quelques indices et des millions de tonnes de minerai. Il a eu quelque mal à me suivre dans mes explications techniques, mais il a perçu l’essentiel : « Si j’ai bien compris, Monsieur Bouteloup, nous avons été trompés ? » je n’ai pu que répondre : « Je le crains Monsieur ! ».

L’usine a été détruite, les travaux à ciel ouvert sont restés sans réhabilitation car on n’avait pas pris conscience de leur dangerosité et qu’on ne parlait pas d’environnement. Quant aux galeries, elles ont été squattées par des milliers de chiroptères variés, au point qu’on a créé en 2014 une zone Natura 2000 de rang européen pour protéger cet habitat ainsi que leur territoire de chasse.

Rémy Bouteloup


Carrière de barytine Socremex

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