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Expo « Mondes souterrains » à Tende

L’Amicale du BRGM organise pour ses adhérents (et éventuellement pour les sympathisants !) une découverte de la Haute Vallée de la Roya, dans le Parc Naturel national du Mercantour, du 22 au 26 juin 2023.
Au programme, quelques églises baroques avec de superbes fresques, le vieux village pittoresque de Saorge et celui de La Brigue, mais surtout le Musée des Merveilles à Tende, et les extraordinaires chambres d’exploitation souterraine, creusées au feu au Moyen-Âge, dans la mine-musée de Vallauria, qui sera alors ouverte au public.
C’est l’occasion de signaler aux Amicalistes une exposition sur place :

C’est une exposition temporaire intitulée « Mondes souterrains : Vallauria et l’héritage minier du Mercantour ». Elle vient d’être inaugurée le 17 décembre 2022 au musée départemental des Merveilles, à Tende. Outre son très grand intérêt, cette exposition vient récompenser ou « couronner » (avec l’ouverture prochaine du musée minier proprement-dit de la « minière de Vallauria », prévue en 2023) les efforts soutenus d’une communauté de passionnés. Plusieurs adhérents de l’Amicale ont d’ailleurs œuvré eux-aussi ! La cérémonie a été conduite par Charles Ange Ginesy président du département, qui a déjà montré son enthousiasme pour le patrimoine minier régional en promouvant la création de la Réserve Naturelle Régionale des Gorges de Daluis.

L’exposition sera ouverte jusqu’au 31 octobre 2023.
La mise en scène vise spécifiquement à faire connaître au grand public l’opiniâtreté, le génie et les techniques mises en oeuvre par les mineurs au cours de l’Histoire des mines métalliques petites et grandes du massif du Mercantour. Elle raconte la saga des exploitations minières dans ces montagnes rudes, à travers d’abord les petites mines néolithiques de cuivre natif de la clue de Roua : il s’agit d’une série de très courtes galeries quasi inaccessibles, perchées en pleine falaise dans les spectaculaires gorges de Daluis qui entaillent le Permien du dôme de Barrot. Les archéologues (thèse de doctorat d’archéologie de Romain Bussone, en cours) ont établi que l’extraction, faite à l’origine par la technique du creusement par le feu, remonte à l’Âge du Bronze. Faisant pendant à ces toutes petites mines très artisanales, la muséographie retrace ensuite le développement jusqu’en 1930 de la mine de Vallauria, dans la Haute Roya, qui est l’un des gisements relativement les plus importants de zinc, plomb et argent exploité dans les Alpes du Sud. Grâce à une scénographie très attractive et à des reconstitutions interactives, le visiteur peut se faire une idée très précise des méthodes d’extraction et des outils qui ont évolué de la pierre à l’explosif, en passant par la technique dite du creusement par le feu : les vestiges de celui-ci notamment à Vallauria sont parmi les plus vastes et les plus spectaculaires d’Europe bientôt accessibles au grand public.

À cette exposition principale, le musée a adjoint le 1er février 2023 une exposition temporaire complémentaire, intitulée : « les petits mineurs des Alpes ». Elle a été inspirée par les nombreuses légendes du Moyen Âge, très répandues dans les Alpes, qui évoquent l’existence de petits mineurs, gardiens de trésors souterrains, faisant partie du petit peuple troglodyte intégrant les nains, les lutins, etc. En effet, quels autres êtres pourraient conduire, malgré la géométrie complexe des failles, une exploitation rationnelle dans les trois dimensions, dans des souterrains incertains où la flamme vacillante de leur chandelle n’éclaire pas au-delà de deux mètres ?

Ces deux expositions représentent l’aboutissement de cinquante années de travail inlassable de la part de passionnés animés par le même enthousiasme pour ces montagnes splendides et pour leur patrimoine minier.

Au premier rang, il faut citer le mérite de l’association Neige et Merveilles et de son fondateur Raymond Hirzel qui a découvert les ruines du village de la Minière en 1957. Très vite, cette association, attachée aux valeurs de l’éducation populaire « à l’air pur de la montagne », s’est consacrée à l’organisation sur place de chantiers de jeunes bénévoles pour la reconstruction pas à pas du village et pour leur formation professionnelle « sur le tas ». Le résultat aujourd’hui dépasse les espérances. Neige et Merveilles gère désormais un véritable lieu d’activités et de tourisme durable, qui comprend un centre d’hébergement et d’animations pédagogiques. L’ouverture au public d’un circuit de découverte de l’extraordinaire mine-musée souterraine va bientôt démultiplier sa fréquentation. Si beaucoup de personnes mériteraient d’être mises à l’honneur, la Rédaction de Géochronique désire particulièrement citer les trois personnes qu’elle a contactées, Christian Le Martelot, Solange Viard et Michel Clément.

Au second rang, se place le Musée des Merveilles de Tende et sa conservatrice Silvia Sandrone qui a organisé l’exposition, ainsi que tous les chercheurs archéologues qui se sont succédé dans la fameuse Vallée des Merveilles attenante. Depuis les travaux scientifiques de Clarence Bicknell (1913) puis les ouvrages de vulgarisation du Dr Vincent Paschetta, président du Club Alpin Français de Nice dans les années 50, le mystère qui plane sur les gravures rupestres du Mont Bégo (Âge du Bronze) exerce une attraction croissante sur les Humains, d’ordre quasiment surnaturel. Les ouvrages de Henri De Lumley et les interprétations controversées publiées par Emilia Masson attisent la curiosité de milliers de randonneurs chaque année dans cette vallée magique. Les collectivités locales conscientes de ce véritable trésor ont toujours veillé à le valoriser.

Au troisième rang chronologique vient un expert de rang international, Bruno Ancel. Spéléologue, archéologue et historien enthousiasmé d’abord par les anciennes mines d’argent du Massif des Vosges, diplômé en outre d’études de géologie, il est devenu attaché de conservation du patrimoine de la ville de l’Argentière-la-Bessée (Hautes-Alpes) où il a démêlé l’Histoire et la topographie d’une autre mine de plomb argentifère passionnante. Missionné dans le Mercantour par le Service Régional de l’Archéologie à partir de 1994, il a dirigé douze années de fouille archéologique dans la mine de Vallauria, mobilisant au fil des années des centaines de jeunes bénévoles et une sélection d’experts (en spéléologie, anthracologie, dendrochronologie, minéralurgie, métallurgie, isotopes etc). L’exposition est surtout le fruit de son travail pharaonique à lui. Toutefois, les apports d’autres archéologues et historiens représentent une importante part : Jean-Paul Baréty (qui deviendra maire de Nice, député et président de l’Academia Nissarda), Gilbert Mari, Pierre Rostan, Romain Bussone et bien d’autres.

Au « dernier » rang enfin, sans aucun chauvinisme, la Rédaction souhaite rendre hommage aux géologues et aux minéralogistes ! La véritable « bête de travail » qu’a été Jean Lougnon est le premier « grand homme de l’art » missionné pour reconstituer (pour le BRGM, à la suite de François Foglierini pour la Peñarroya) la géométrie complexe du gisement de Vallauria. La scénographie rend un hommage concret à son travail. La prospection systématique menée par le BRGM pour le cuivre du Permien et du Trias du Dôme de Barrot de 1954 à 1964 relève de la même volonté de revalorisation industrielle de l’après-guerre. Le musée du cuivre de La Croix-sur-Roudoule retrace l’Histoire des mines très intéressantes de ce dôme pittoresque de Permien rouge qui, malheureusement, ne peuvent plus être visitées.

Toutefois, il est intéressant d’analyser comment, dans les années 60, toutes ces anciennes mines, qui n’avaient motivé jusqu’alors que des investisseurs miniers (heureux ou -plus souvent- malheureux), sont d’une autre manière passées sous les projecteurs de la vulgarisation de leur patrimoine scientifique et culturel auprès du grand public et notamment des jeunes. Il faut reconnaître que cette exposition est la preuve de la réussite éclatante de cette évolution, qui a permis de retisser des liens entre les générations de mineurs disparues et les futurs citoyens de demain.

L’homme qui a permis cette évolution entre le passé et le futur est un géologue et un grand alpiniste du Mercantour. Il s’appelait Jean Vernet (1904-1996). En effet, il s’est passionné pour ces anciennes mines (à partir de 1954) et en même temps, il était l’arrière-petit fils d’un ingénieur sarde prospecteur du Mercantour, par la suite premier chef du Service des Mines des Alpes-Maritimes, du Var et de la Corse nommé par Napoléon III au lendemain du Rattachement de Nice à la France en 1860 : Ricardo Vittorio Guigo, francisé en Victor Juge. Jean Vernet a ainsi été le «trait d’union». Résistant et déporté, rescapé de Dachau, il démarre à l’âge de 50 ans, par goût, une carrière passionnée de géologue. Jean Goguel le remarque et le charge de la cartographie du dôme de Barrot et de l’inventaire des anciennes petites mines oubliées. Ainsi, en 1956, il repère dans la falaise des gorges de Daluis les deux groupes de petites galeries de cuivre natif que son arrière-grand-père en 1844 avait retrouvées et explorées. Il y retourne en mai 1966 pour montrer ces filonnets au grand minéralogiste Paul Picot (1931-2006) qui, sur les spécimens conservés à la Galerie de Minéralogie de l’Ecole des Mines de Paris, venait d’identifier des arséniures de cuivre extrêmement rares et de l’argent natif. Picot manque de dévisser dans le précipice mais Vernet et le manoeuvre du BRGM Messaoud Bouhachicha tiennent bon la corde !

Les anciennes mines du Mercantour inspirent au même moment un étudiant du lycée de Nice (l’auteur), qui fait connaître au grand public leur existence par un long article dans la presse locale (Nice-Matin 1967) et par une conférence en ville. Il rencontre Jean Vernet, qui deviendra son mentor, et avec Paul Picot et Roland Pierrot ils publient aux éditions grand public du BRGM, en 1974, l’inventaire minéralogique des anciennes mines des Alpes-Maritimes, qui sensibilise tous les randonneurs et amateurs de minéraux. Les galeries du cuivre natif sont indiquées, noir sur blanc sur une carte à 1/20 000 et leurs sulfures rares décrits. Deux tirages successifs du livre sont rapidement épuisés. C’est le démarrage d’une longue série de découvertes minéralogiques, et même de plusieurs espèces nouvelles, principalement de la part de spécialistes comme à leur tour Gilbert Mari et Halil Sarp, mais aussi, souvent, des simples amateurs. Leurs nombreux travaux sont publiés dans la presse spécialisée mais également dans les magazines de vulgarisation. Le 14 septembre 1999, à l’invitation du BRGM, le préfet des Alpes-Maritimes et plusieurs élus se déplacent à Sophia-Antipolis pour écouter une série de présentations sur le patrimoine des mines du Mercantour. Dès lors, l’intérêt des collectivités territoriales et du public pour ces richesses culturelles ira croissant.
Nul doute que l’exposition suscitera de nouvelles et fructueuses vocations !

Jean Féraud
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