Brèves de cantine

Soixante currys, ça suffit !

Soixante currys, ça suffit !

 

En 1969, on me demanda, en rentrant de Malaisie, de passer au Sri Lanka pour examiner, avec le Service Géologique, les possibilités de développement minier du pays. Je me retrouvai donc à Colombo, où je passai quelques jours, travaillant au Service Géologique et vivant à l’hôtel.

Au restaurant, il y avait une carte abondante de plats divers, mais toujours à base de curry. Je pris plaisir à essayer différentes viandes, des poissons et même des légumes.

Puis, je démarrai une série de visites de terrain, accompagné de géologues. Là, la nourriture n’était plus celle prévue pour les touristes. Elle était nettement plus relevée. Mais cela ne me gênait pas. Cependant, au bout de quelques jours je me lassai de manger un curry au breakfast, au déjeuner et au dîner.

Un jour, j’eus l’occasion de visiter une plantation de thé et une usine de traitement. Le géologue qui m’accompagnait me proposa de faire un stop dans un salon de thé tout proche. J’acceptai aussitôt, espérant pouvoir, à cette occasion, déguster quelques petits gâteaux. Le site était très agréable, avec une vue magnifique, le thé excellent et les pâtisseries parfumées…au curry !

A la fin de mon séjour, je décidai d’inviter le directeur du Service Géologique et son épouse dans le seul restaurant français de Colombo. Une fois installés à table, je leur passai le menu et leur demandai ce qu’ils désiraient prendre.  « Il paraît qu’ils ont un curry d’agneau remarquable », me dit-il. Je commandai donc le plat désiré et me résignai à manger un… soixante-troisième curry !

Quelques heures plus tard, j’atterrissais à Orly. Jane, qui m’attendait, m’annonça que nous devions aller à Auxerre où son père, malade, venait d’être hospitalisé. Nous partîmes donc pour Auxerre où nous passâmes l’après-midi auprès de son père. Le soir, au moment de le quitter, il nous conseilla de dîner au restaurant car il ne savait pas trop ce qu’il y avait chez lui dans le frigidaire.

Nous nous retrouvâmes donc au restaurant. Pendant que nous prenions l’apéritif, le maître d’hôtel nous présenta la carte en précisant qu’ils avaient, comme plat du jour, un curry de mouton !
– « Ah non, pas de curry », m’écriais-je !
– « Il ne faut pas négliger ces plats exotiques qui sont souvent excellents ! », rétorqua le maître d’hôtel.

Bien sûr, il ne pouvait pas comprendre ma réaction et je n’eus pas le courage de la lui expliquer !

André NOESMOEN