Brèves de cantine

Un trafiquant qui s’ignore

Un trafiquant qui s’ignore

 

L’histoire se déroule au début des années 2000.

J’avais contribué à développer des systèmes d’analyse de minerais utilisant des sources radioactives sous le doux nom de Syrano ou Roxane,… Puis, suite au déclin des activités minières et aux réorganisations internes, le BRGM abandonna ces activités. Sous les auspices de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) je me tournai alors vers différents pays miniers pour valoriser un savoir-faire élaboré au cours d’une bonne quinzaine d’années.

Dans le cadre de projets de transfert de technologie l’AIEA fait en effet appel à des experts externes. Chaque mission dure généralement entre 2 et 4 semaines et consiste à former des ingénieurs et techniciens afin de développer une instrumentation faisant appel aux techniques nucléaires. L’expert touche une somme forfaitaire couvrant le billet d’avion en première classe et les frais de séjour.
J’avais pris l’habitude d’acheter mes billets via internet, sans faire appel au service des voyages de l’AIEA, ce qui me permettait d’obtenir deux billets en classe économique au lieu d’un, et de faire profiter ma compagne de ces nombreux voyages tant en Amérique latine qu’en Asie.

Je venais de prendre mes dispositions pour me rendre au Chili lorsque mon correspondant de l’AIEA m’invita à poursuivre ma mission en Colombie. Mon billet n’étant pas transformable, je dus me résigner à réorganiser mon voyage de façon à faire un aller-retour entre le Chili et la Colombie.
Dans le sens de l’aller tout se passa pour le mieux sauf que, ayant formé au Chili de jeunes étudiants Colombiens qui devaient organiser mon arrivée à Bogota, un malentendu fit que je me retrouvai seul à l’aéroport ce qui, dans un pays qui était alors réputé très dangereux pour ses nombreuses prises d’otages, est formellement proscrit par l’AIEA. La situation était d’autant plus cocasse que je ne pus réserver une chambre d’hôtel en lieu réputé sûr pour des raisons de sécurité. Je me suis alors glissé dans la peau d’un résident quelconque et toutes les difficultés s’aplanirent. Je dois quand même avouer que mon fort accent français suscita quelques réactions d’inquiétude lorsque je décidai d’aller boire un verre.

Mais les vrais problèmes surgirent à mon retour. J’étais en effet condamné à quitter la Colombie pour faire escale à Santiago avant de m’envoler pour Madrid, puis Paris, voyage qui ne peut être fait innocemment en raison de sa durée, de l’ordre de 48 heures. Je découvris à mon insu que c’est très exactement le parcours qu’empruntent les nombreux trafiquants transportant la drogue vers l’Europe. Je compris en effet que quelque chose se préparait au moment de l’embarquement, ma valise n’ayant pas pris le chemin de la soute mais étant restée bien en vue devant la porte de l’avion. A peine j’avais pris place qu’une voix appela Señor Pinault. Deux ou trois policiers s’afféraient autour de ma valise et m’enjoignirent de l’ouvrir. Ils eurent la certitude d’avoir pris un gros bonnet lorsqu’ils y découvrirent de nombreuses pâtes de goyave, grande spécialité colombienne, bien emballées dans du papier transparent. L’un d’eux piquait rageusement et avec obstination ce qui pouvait ressembler à de la cocaïne avec une longue aiguille qu’il sentait religieusement pendant qu’un autre tapait avec un petit marteau sur une paroi de la valise tout en y collant son oreille pour s’assurer qu’elle était double. Ils durent bien vite admettre, l’air désappointé, qu’ils étaient sur une fausse piste mais l’avion décolla avec une bonne heure de retard…

Jean-Louis Pinault

 

L’analyseur en ligne du minerai de cuivre mis au point à la mine de Chuquicamata (Chili)

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