LES RENCONTRES-DEBATS AMICALE/BRGM
Les ressources en eau souterraine.
Des connaissances scientifiques à l’approche socio-économique,
les enjeux du XXIème siècle.
Compte-rendu rédigé par Jacques Ricour.
L’exposé de l’Amicale, présenté par Michel Vandenbeusch, est issu du travail et des réflexions conjointes de Jacques Ricour, Jean-Claude Roux et Michel Vandenbeusch.
Les transparents projetés lors de la rencontre sont disponibles en fin de ce compte rendu.
Deuxième du genre, cette rencontre, qui s’est tenue le 16 novembre 2015, est ouverte par le Président de l’Amicale, Etienne Wilhelm, qui rappelle que ces réunions se veulent être une passerelle de réflexion entre « anciens et modernes », en revisitant les chemins parcourus depuis un demi-siècle, en rendant hommage à nos illustres devanciers, notamment Jean Margat, Gilbert Castany et Jean Ricour et en nous projetant sur les chemins à venir.
Devant une assistance de quelque 80 personnes,Vincent Laflèche, Président Directeur Général du BRGM, débute la rencontre par un hommage aux victimes des événements du 13 novembre et rappelle que l’eau est un élément essentiel de la cohésion de notre société et des valeurs partagées. Il souligne que le BRGM, fort de ses 50 ans d’expérience, doit s’appuyer sur cette capitalisation du passé afin de construire un socle pour l’avenir.
Ainsi, dans le but de revisiter le rôle du BRGM pour les années à venir à partir de son utilité sociale et pas seulement de ses savoirs, quatre sujets ont été identifiés à ce jour : adaptation au changement climatique (réserve hydrique, conflits d’usage et aménagements), connaissance des réservoirs pour le développement de nouveaux usages (stockage de CO2), économie circulaire et recyclage et enfin, expertise et intermédiation dans le cadre de la responsabilité sociale de l’Entreprise.
Les acteurs
La rencontre est animée par Pierre Alain Roche, Ingénieur général des Ponts et des Eaux et Forêts, Membre du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable – Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie, à la suite de quatre exposés introductifs :
- Michel Vandenbeusch, ancien directeur du Département Stockage du BRGM puis d’ANTEA : « Connaissances, prévisions, gestion : 50 ans au service des eaux souterraines ».
- Nathalie Dörfliger, en charge de la Direction Eau, Environnement et Ecotechnologies du BRGM : « Enjeux sociétaux et de connaissance pour la gestion des ressources en eau »,
- Nadia Amraoui, Hydrogéologue modélisatrice, : « Enjeux, verrous scientifiques et développement de modèles prédictifs pour la gestion de la ressource en eau »,
- Julie Lions, Hydrogéochimiste, : «Qualité des eaux : enjeux et verrous scientifiques pour une meilleure gestion des ressources ».
La table ronde et le débat sont structurés autour des quatre thèmes évoqués par le Président du BRGM dans son introduction.
Le débat
Une première question intéresse les programmes engagés pour une meilleure connaissance des milieux cristallins. La réponse porte sur des campagnes de forages et l’élaboration de modèles conceptuels globaux, le principal enjeu étant la « spacialisation » des paramètres.
A la deuxième question, qui porte sur les verrous les plus importants, les réponses montrent que ces verrous concernent l’analyse chimique, notamment organique et microbiologique, et la modélisation qui lui est associée, la connaissance géologique détaillée des réservoirs et des variations de faciès qui permet seule une modélisation déterministe et l’élaboration de modèle de prévision, et enfin l’analyse de sensibilité des prévisions qui permet d’apprécier l’incertitude qui pèse sur les résultats.
Une troisième question a trait aux ressources financières nécessaires au développement des activités ; elles sont à ce jour de 20 % sur crédits ministériels, de 65 % de service public, de 40 % de R et D public-privé, la répartition territoriale étant de 90 % pour la France et de 10 % pour l’international.
La question suivante intéresse la robustesse des modèles prédictifs ; ceux-ci s’appuient sur une prévision probabiliste quand les chroniques de calage sont trop courtes. L’amélioration de la prévision en hydrogéologie intègre aussi des méthodes importées de l’hydrologie, les premières expériences concernant le bassin de l’Hallue où des approches intégrées de bilan hydraulique sont réalisées depuis plusieurs décennies.
Le débat s’oriente ensuite sur l’évolution des systèmes hydrogéologiques en fonction des évolutions climatiques et des activités anthropiques : modifications agricoles et impacts sur les régimes d’écoulement, conséquence de la fonte du permafrost et évolution de la recharge des aquifères étudiée par les Scandinaves, lutte contre les insectes favorisés par le réchauffement climatique et usage des insecticides, conséquence du recul des glaciers alpins qui fait l’objet d’étude dans le bassin du Rhin et de la Durance …
Les nouveaux usages des réservoirs aquifères sont ensuite examinés, en particulier pour ce qui concerne le développement de l’énergie basse enthalpie et l’évaluation des impacts du stockage de CO2, mais aussi le stockage de déchets nucléaires en couches imperméables profondes,, travaux auxquels participent activement le BRGM et ses équipes.
Les échanges abordent ensuite l’économie circulaire et l’économie locale, les objectifs de développement durable et l’utilisation rationnelle de l’eau, notamment, les expériences de recharges des aquifères par les eaux usées après traitement. Si ce type d’expérience progresse aux USA, en Espagne, en Palestine et en Israël, on ne peut que constater la frilosité de la France dans ce domaine, si l’on excepte quelques projets isolés comme à Bonifacio.
La diffusion des connaissances par le BRGM fait ensuite l’objet d’un échange fructueux où il est souligné le développement des outils, logiciels, guides méthodologiques et bases de données en ligne accessibles à tous, l’accueil de doctorants et de post-doctorants, la recherche de complémentarité entre les Universités et le BRGM et enfin la volonté de développer une ligne d’édition permettant de valoriser les Sciences de la Terre.
Ces échanges se concluent par un débat sur la place de l’expert dans le débat public et le rôle d’intermédiation des experts dans les conflits.
Jean Margat apportera une touche finale en précisant que les prélèvements d’eau souterraine ont décuplé entre 1950 et 2015 et qu’ils ont été trois fois plus rapides que les prélèvements d’eaux de surface. Le total des prélèvements d’eau souterraine est aujourd’hui de 4500 milliards de m3/an, ce qui équivaut à une lame d’eau de 12 mm sur les océans.
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Les remerciements
Notre président, Etienne Wilhelm, met fin à la réunion en remerciant le BRGM qui a bien voulu nous accueillir, nous fournir un appui logistique et offrir aux participants le « pot » de l’amitié et les organisateurs et intervenants pour la qualité des exposés ainsi que l’animateur qui a su ouvrir le débat à tous.