Brèves de cantine

La faillite de Swiss Air

La faillite de Swiss Air

 

A la fin du dernier millénaire, dans le cadre des activités de recherches aurifères de LaSource Compagnie Minière, nous étions fortement impliqués au Ghana, anciennement bien nommée « Gold Coast », en partenariat 50/50 avec la Société GENCOR, second ou troisième plus important Groupe minier sud-africain. Des résultats prometteurs impliquaient des réunions communes de pilotage assez fréquentes sur le terrain et pour me rendre à Accra, j’avais pris l’habitude d’utiliser les services, oh combien réputés, de Swiss Air en partance de Zurich aux environs de midi.

 Au cours d’un de ces vols, j’eus la surprise de me faire surclasser en première classe et il m’est agréable de relater ici le souvenir de cet événement.

Je fus accueilli par le chef-steward qui me proposa d’emblée, en guise de champagne, un petit pinot blanc de son pays, du côté de Bâle. J’acceptai volontiers et engageai la conversation dans un mélange un peu rocailleux mais néanmoins mélodieux de « Schwitzerdûtsch » et dialecte haut-rhinois ; la glace était rompue comme par enchantement.

swiss_caviar.jpg Ayant parfaitement compris que je n’avais pas eu le temps de me restaurer normalement depuis mon départ d’Orléans à 5h30 du matin, mon tout nouveau compatriote me gratifia, à peine le décollage amorcé, d’une assiette XXL où cohabitaient harmonieusement caviar, homard et blinis. Je décidai de continuer sur le pinot mais suggérai que les œufs de Beluga pouvaient également justifier un partenariat plus spécifique du type vodka, vœu exaucé sur le champ.

Pendant que mon nouvel « ami » allait nourrir ces privilégiés de la classe « Affaires » avec de solides pâtés campagnards assortis d’un merlot languedocien, l’hôtesse, modèle Sissi impératrice, toute pimpante en tablier vichy rouge et blanc assorti à son « Dirndel », renouvela mon assiette de friandises slaves et ma vodka, selon des consignes bien respectées.

Enfin, il y eut le second service, identique à l’original et on me resservit, entre autre, une troisième écuellée de caviar flanquée de sa petite vodka ; à cet instant, je sus que je ne consulterai pas ma documentation technique dans l’avion et je m’endormis pour me réveiller à Accra quelques cinq ou six heures plus tard.

 Environ un mois après cette escapade, j’eus la désagréable surprise d’apprendre que « Swiss Air » était en faillite et avait complètement disparu de nos écrans radar. Coïncidence ou conséquence des excès de la bonne chère ? Je souris car je devais être un des derniers à avoir profité de la gabegie gustative réservée à un tout petit nombre d’élus.

Entre temps, les deux gites ghanéens d’or d’Akyem et d’Ahafo, objets de notre sollicitude initiale et acquis en 2002 par Newmont à la suite de son OPA victorieuse sur Normandy, ont été mis en exploitation. Ils produisent à ce jour, en cumulé, près d’un million d’onces d’or par an (31 t). Malgré les investissements considérables consentis (2,2 milliards de dollars), les retours se chiffrent également, avec l’envolée des cours de l’or, en milliards de dollars, ce qui relativise le coût de l’orgie gastronomique, même au prix du caviar !

Etienne Wilhelm

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