Brèves de cantine

De Poseïdon à Normandy-Poseïdon puis à Normandy et à LaSource…

De Poseïdon à Normandy-Poseïdon puis à Normandy et à LaSource…

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Cela se passe en Australie en novembre ou décembre 1969. Je suis en charge de l’exploration pour l’Australie Occidentale dans le cadre d’une joint-venture entre Union Minière et Le Nickel. Installé à Perth je dirige les équipes du BRGM qui travaillent comme sous-traitant pour la joint-venture. Celle-ci recherche des indices de nickel sulfuré au Nord de Kalgoorlie, entre Léonora et Laverton. J’ai été faire le point avec les géologues du BRGM qui supervisent les équipes qui posent les « claims », tracent les lignes, prélèvent les échantillons de géochimie, réalisent les levés magnétométriques et géologiques, etc., etc..

Le soir dans les camps ou au pub de Laverton tous les « field-assistants », prospecteurs, géologues, éleveurs de moutons, ne parlent que d’une « junior », c’est-à dire une compagnie minière qui s’est inscrite en bourse sur la base de quelques titres miniers implantés sur de roches ultra-basiques susceptibles d’encaisser des gisements de nickel sulfuré. Cette « junior » appelée Poseïdon a ainsi pu lever quelques centaines de milliers de dollars avec lesquels elle prospecte les environs de Laverton. Le bruit court avec insistance que les sondages en cours auraient intersectés une minéralisation. Les « shares » c’est-à-dire les actions de la compagnie, mises sur le marché pour 25c, sont paraît-il montées à 75c et depuis deux jours elles seraient à 2,5$. Un des « field-assistants », de nationalité anglaise, qui en a acheté un millier à 25c, me dit que lorsqu’elles seront à 5 $ il donnera sa démission et retournera en Angleterre…

Pour ma part, je dois retourner ce jour là sur Perth. En attendant l’avion taxi je dois téléphoner à la Direction du Nickel dont le siège se trouve à Melbourne. A l’époque il n’y a, à Laverton, qu’un poste de téléphone public. Il se situe à l’intérieur d’une baraque en bois battu par les vents. Chacun attend son tour à l’extérieur sous le soleil. Je reconnais alors parlant au téléphone le prospecteur Ken Sherley qui supervise les sondages de Poseïdon. Il n’en finit pas de parler appuyé sur le comptoir de la baraque. Je fais les cent pas sous le soleil (plus de 30°) en attendant qu’il veuille bien partir. Combien de temps suis-je resté à attendre : vingt minutes, une demi-heure, quarante minutes ?… je ne sais mais je me rappelle avoir trouvé le temps très long… Finalement je peux joindre Melbourne et prendre l’avion taxi pour Perth où j’arrive en fin d’après-midi.

A Perth je retrouve Bob Lautel qui dirige les activités du BRGM en Australie. Nous avons à discuter de l’organisation des équipes qui travaillent pour la joint-venture. Ceci se passera dans un restaurant situé en bordure le Swan River. Au cours du dîner le serveur qui nous entend parler français nous demande ce que nous faisons en Australie. A notre réponse lui indiquant que nous sommes dans le « mining business » il nous demande qu’elles sont, selon nous, les meilleurs actions qu’il doit acheter en bourse. Je lui réponds sans la moindre hésitation, compte tenu des informations recueillies à Laverton : « Poseïdon »… Et le lendemain matin la compagnie PoseÏdon annonçait officiellement à la bourse la découverte de nickel à proximité de Laverton, entraînant immédiatement un doublement de ses actions !

L’histoire n’aurait pas grand intérêt, si, compte tenu des résultats des sondages reçus par Ken Sherley au téléphone devant moi, celui-ci n’avait pas organisé, au cours de la nuit, une distribution gratuite d’actions de Poseïdon à tous les habitants de Laverton… ce qui permis à chacun d’eux de s’enrichir. Les actions devaient, en effet, en quelques mois, passer de quelques dizaines de dollars à 100 $ puis 200 $ et jusqu’à plus de trois cent dollars. Cela devait entraîner une ruée sur la bourse et un « boom » minier dans toute l’Australie. Pendant près d’un an des fortunes se sont faites et défaites en quelques heures sur des annonces de découvertes souvent insuffisamment contrôlées. Pour ma part, je n’ai pas acheté d’actions de Poseïdon, mais le field-assistant de nationalité anglaise est bien rentré en Angleterre après avoir vendu ses actions lorsqu’elles ont atteint 15 ou 20$ et… une petite mine de nickel a été ouverte sur le prospect de Poseïdon à Laverton.

Pour la petite histoire lors de la création de LaSource et de la reprise des activités minières du BRGM par le Groupe Normandy, celui-ci avait auparavant racheté divers compagnies minières dont Poseïdon et lors de la signature des accords on parlait du groupe Normandy-Poseïdon… Il s’était passé 25 ans pour fermer la boucle entre Laverton et Orléans au moment où j’intégrais LaSource en septembre 1994… Le monde est, une fois de plus, bien petit…

Daniel Normand Retour ligne manuel
Tréveneuc le 18 mars 2015

 

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