Brèves de cantine

Mon premier traçage … ou un 14 juillet haut en couleurs !

Mon premier traçage … ou un 14 juillet haut en couleurs !

 

logo_on L’Aure ,fleuve côtier de Basse Normandie coule dans la plaine du Bessin selon une direction ESEONO puis, à 3 kilomètres de la côte, au sud de Port en Bessin, sous l’influence d’un accident tectonique , elle change brutalement de direction ,pour se diriger vers l’ouest et se jeter dans la Manche près d’Isigny.

 

A cet endroit se situent les pertes des « Fosses du Soucy » dans les calcaires bajociens très fissurés , capables d’absorber jusqu’à 9 m3/h . De multiples résurgences apparaissent à Port en Bessin, à 3 kilomètres au nord, sur le platier au pied des falaises ,et dans les bassins du port.

 

Des expériences de traçage, relatées dans la littérature avaient mis en évidence ces relations et indiquaient un temps de parcours souterrain de l’ordre de 12 h.
Dans le cadre de l’étude hydrogéologique de la Plaine de Caen, dont j’étais chef de projet ,et d’un projet d’agrandissement du port, piloté par les Ponts et Chaussées ,il était nécessaire de bien localiser les résurgences, et mieux connaître le fonctionnement des pertes et les vitesses d’écoulement dans l’aquifère.
A cet effet, le 14 juillet 1967, j’organisais un traçage à la fluorescéine .

 

Novice en la matière, Henri Paloc, dont je fis la connaissance ce jour là, était venu spécialement pour apporter son expérience, l’équipe étant complétée par Michel Tirat et un technicien, Paul Pascaud.
Pour tenir compte du temps de parcours connu et des horaires de marée, nous avions prévu d’effectuer l’injection du colorant de bonne heure le matin afin qu’il réapparaisse à marée basse et que l’on identifie précisément les points de résurgences dans les bassins du port.
Pour être à pied d’œuvre assez tôt nous avions bivouaqués chez Marcel Guillaume, propriétaire sur les hauteurs de Port en Bessin, qui nous avait aimablement hébergé pour la nuit.
A 5h du matin, l’équipe était prête à opérer aux Fosses du Soucy.

 

Pour être certain de réussir l’opération, nous avions prévu 10 kilos de fluorescéine ! Beaucoup trop ! Celle-ci étant en poudre, non diluée, le vent dispersa du produit dans l’air, puis la pluie se mettant à tomber nous ressemblâmes rapidement à de petits hommes verts !
L’injection terminée, c’est dans cet état que nous retournâmes nous coucher pour récupérer une nuit trop courte.

 

Mais vers 10 heures Marcel Guillaume , qui était allé faire des courses en ville, nous téléphona que le colorant apparaissait déjà dans le port, alors que la marée commençait juste à monter.
Affolement général ! Nous nous précipitâmes sur les lieux et force fut de constater que dans les bassins du port les sources étaient nettement colorées.
En outre, c’était jour de très grande marée, à fort coefficient, et la mer était déchaînée, les vagues déferlant violemment par dessus les jetées, si bien qu’à la pleine mer en début d’après midi, non seulement le port, mais aussi l’ensemble de la rade étaient entièrement colorée d’un vert intense et lumineux. Jean Ricour nous avait rejoins pour assister au spectacle.
La population, très étonnée et admirative, pensait qu’il s’agissait d’une surprise de la municipalité pour célébrer la fête nationale. Quant au maire, avec les pécheurs, il s’inquiétait pour la qualité de l’eau et la survie des poissons.

 

Après lui avoir expliqué le but de l’expérience et pour le rassurer, je lui dis que la fluo était inoffensive et que l’on pouvait en boire, le seul risque étant d’uriner vert. Devant son air dubitatif, je joins le geste à la parole, et en bu une gorgée.

 

Je ne vous raconterai pas la suite… ! Mais ce fut un beau 14 juillet, haut en couleurs !

 

Jean Claude Roux

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