Henri MOUSSU

Cérémonie du marteau d’or 2010

Mon cher Henri,

Laisses-moi te dire, tout d’abord, le plaisir que j’ai à t’accueillir ce soir pour la cérémonie du marteau d’or, distinction créée par notre regretté Roland PIERROT.

Tu es né à Soissons, le 10 avril 1927, ville célèbre par Clovis et son fameux vase, dont l’histoire ne dit pas s’il contenait de l’eau souterraine ou du vin.

Dans l’ancien nom de Soissons « Suessiones » le préfixe « su » signifie, éthymologiquement, « bon » « favorable ». C’était donc pour toi le signe d’un avenir plein de promesses. Parmi les grands évènements de l’année 1927, on peut citer :

– la victoire de la France en coupe Davis, face aux U.S.A à Philadelphie.
– la première traversée de l’Atlantique Nord par Charles Lindberg.
– le record de vitesse automobile par Cambell aux U.S.A. (281 kms).
– la naissance de Georges Séguy, Simone Veil, Juliette Greco, Gilbert Bécaud et bien entendu, de …. Henri Moussu.

Dès l’âge de 5 ans, tu émigres avec tes parents, en Afrique du Nord, au Maroc puis en Algérie où tu passes toute ta jeunesse que l’on imagine espiègle et turbulente, et où tu poursuis tes études secondaires et supérieures à Alger.

Tu effectues une licence de géologie à la Fac d’Alger avec de grands professeurs comme Henri Termier et Robert Lafitte.

Dès 1950, tu intègres la Direction de l’Hydraulique d’Algérie, comme hydrogéologue au service des études scientifiques.

En 1961, tu termines une thèse de doctorat en Géologie sur les séries intermédiaires rouges du Précambrien de l’ANHET qui, malheureusement, restera inachevée du fait des dramatiques évènements d’Algérie, au cours desquels plusieurs de tes collègues perdront la vie.

En 1962, de retour en France, tu rejoins le BRGM où Jean Ricour t’accueille au tout nouveau département des services régionaux et te cherche un point de chute, un poste de responsabilités. C’est ainsi que successivement tu dois aller à Clamart, puis à Toulouse puis en coopération au Maroc. Toujours impatient et ultra rapide tu te précipites avec ton épouse pour visiter des appartements avant même d’être nommé quelque part. Pendant ce temps, tu remplis patiemment des fiches BSS rue de la Fédération. Il faut bien vivre !

Finalement, après quelques mois de tergiversations, c’est à Dakar que tu atterris, Direction importante du BRGM pour l’Afrique de l’Ouest où les activités hydrogéologiques ont été lancées par R. Degalier, et que tu développeras considérablement par la suite.

Chef du service hydrogéologique pour l’Afrique de l’Ouest, ton équipe compte plusieurs hydrogéologues dont R. Gouzes et A. Martin qui avec toi forment l’équipe dite des « 3 mousquetaires ».

En 1969, tu rentres en France au BRGM d’Orléans, comme Chef – adjoint du Département Aménagement, dirigé par Jean Margat, en qualité de responsable des opérations hydrogéologiques et géotechniques à l’étranger, puis comme Directeur – adjoint de l’Agence Appliquée à l’étranger (AGE) créée par Jean Margat également, et enfin en 1980, comme Directeur de l’AGE. Avec 40 hydrogéologues l’AGE est alors le plus grand bureau d’études hydrogéologiques français à l’étranger.

Au cours de ta carrière, tes travaux techniques et scientifiques sont nombreux. Si tu as effectué une trentaine de publications, ce chiffre ne reflète pas le nombre de travaux que tu as initié, dirigé ou supervisé.

Parmi ceux-ci, citons :

En Algérie :
– la géologie du massif d’Alger, et la carte géologique.
– la géologie des monts de la Cheffia dans le constantinois.
– la géologie de la plaine de la Mitidja.
– la géologie du barrage de Keddara.
– la carte géologique du Hoggar.
– tu as découverts les traces de formations glaciaires dans le Massif du Hoggar : les Tillites de l’Ahaggar dont tu fis une communication à l’Académie des Sciences.
– à Ouargla, tu as participé à la réalisation du premier forage profond dans la nappe du Continental intercalaire à 1500 m de profondeur.

En Afrique de l’Ouest, on te doit :
– plusieurs cartes hydrogéologiques du Sénégal.
– les premières études sur les biseaux salés dans les nappes littorales.
– l’étude de la recharge et de l’alimentation de la nappe du maestrichien (10 à 20.000 ans d’âge) par utilisation des datations isotopiques.
– le développement des forages d’eau à l’air comprimé « Marteau fond de terre » dans les roches dures du socle précambrien du Mali et de la Mauritanie implantés par photogéologie et géophysique, méthodes que tu as mis au point.

Avec ces techniques, les campagnes de forage sont 10 à 20 fois plus rapides, avec un taux de réussite de 70 %, dans des régions jusqu’alors réputées sans eau souterraine !

Par la suite tu as effectué de nombreuses missions à travers le monde : Brésil Haïti, Nouvelles Calédonie mais le Sénégal est resté ton terrain de prédilection où tu effectues encore régulièrement et bénévolement des missions d’hydraulique villageoise dans le cadre de la coopération.

Tu as été également consultant de plusieurs organismes internationaux, tels que :
– la Banque mondiale.
– l’Agence atomique internationale à Vienne.
– l’OMS.
– la Commission des Communautés européennes, et membre de plusieurs associations ou sociétés savantes :
– ORSTOM – Comité technique de géologie
– DGRST – Lutte contre l’aridité en milieu tropical
– Club des amis du Séhel
– Association internationale des hydrogéologues.

Enfin tu es Chevalier de l’Ordre du Mérite national prix castany 2000 du Comité français de l’AIH et … fait rare à souligner : « Chevalier de l’Ordre du Lion » distinction sénégalaise qui t’a été remise par le président Abou Diouf en décembre 1986 à Dakar.

Mon cher Henri,

Nous n’avons jamais vraiment travaillé ensemble, mais nos routes parallèles se sont parfois croisées.

Nous nous sommes connus au congrès de l’AIH de Hanovre en 1965.

Dans les années 80, nous étions tous deux dans la sous – direction de l’aménagement où tu étais délégué pour l’étranger et moi pour l’environnement, et nous nous sommes croisés brièvement dans les bureaux du BRGM de Dakar en 1986. Mais c’est surtout en 2002-2004, où tu as bien voulu rédiger le chapitre Nouvelle Calédonie de l’ouvrage monumental sur les aquifères et les eaux souterraines de la France, édité en 2006, que je coordonnais, que nous avons vraiment travaillé ensemble.

Enfin, depuis une dizaine d’années, dans le cadre du comité français de l’AIH, nous participons ensemble à de sympathiques et instructives visites techniques dans diverses régions françaises.

Pour terminer, j’ajouterai que tous ceux qui te connaissent ont toujours apprécié tes compétences, tes qualités humaines, ta vivacité, ton humour et ta barbiche frétillante.

Pour toute ta carrière, tous tes travaux et toutes ces autres qualités, tu mérites, incontestablement, le marteau d’or de l’Amicale, attribué pour la 2ème fois à un hydrogéologue, bien que pour cette profession l’attribution d’une « goutte d’or » serait certainement plus adéquate.

Jean-Claude ROUX