In memoriam

Jacqueline SARCIA

Jacqueline SARCIA
(1924 –2009)

Après de brillantes études secondaires à Paris, Jacqueline Roche, doublement bachelière, opte pour les sciences. A la Faculté des Sciences de Paris, elle rencontre Pierre Termier, Hubert Curien, Jacques Geffroy, Pierre Routhier, Abel-Jean Sarcia, Valéry Ziegler et obtient, en 1947, une licence très complète. Elle se
passionne pour la métallogénie grâce à J. Geffroy, héritant et devenant dépositaire de ses connaissances métallogéniques exceptionnelles. Dès 1945, elle rédige avec lui la première d’une longue série de publications communes(1) (il n’a pas été possible de reconstituer sa bibliographie complète, on trouvera en note
quelques uns de ses textes).

Elle entre au Commissariat à l’Énergie Atomique(2), au laboratoire de Fontenay-aux-Roses puis est mutée dans le Morvan, à la Division minière de Saint-Symphorien de Marmagne. Sous l’autorité de Marcel
Roubault, Jean(3) Sarcia y dirige les recherches minières. Elle est responsable du laboratoire. Jean et
Jacqueline se marient en juin 1949 et vont désormais mener ensemble deux vies professionnelles actives et
fécondes, qu’il est difficile, pendant une quinzaine d’années, de retracer séparément.

De 1949 à 1951, J. et J. Sarcia sont chargés d’une reconnaissance générale du Cameroun où Jacqueline acquiert le goût du terrain.
Ils sont ensuite mutés dans le Limousin, à Ambazac (87) (Division minière de La Crouzille). Jacqueline, ici encore responsable du laboratoire, seconde Jean – qui dirige le Service des Recherches et crée l’École de Prospection (devenue le CIPRA)- par ses études pétrographiques et minéralogiques. C’est là que Jacqueline définit l’épisyénite, roche jusqu’alors inconnue, hôte privilégié de beaucoup des minéralisations en uranium des gisements français, et participe à l’ouvrage collectif sur les minerais uranifères français et leurs
gisements, dirigé par Marcel Roubault(4) .

À l’occasion de la naissance (1959) de Catherine, leur fille unique, Jacqueline devient le premier agent doté d’un carnet de maternité administré par la Caisse régionale de gestion du Statut du mineur !

Lorsqu’en 1962 Jean est appelé à Paris, Jacqueline, sur proposition de Claude Guillemin, est recrutée par le BRGM, au sein du département Minéralogie-Pétrographie-Métallogénie-Géochimie. Elle collabore
étroitement avec C. Guillemin, notamment lorsqu’il organise le Service de Conservation des Espèces
Minérales et établit l’Inventaire des grandes Collections de Minéralogie de France et du monde(5).
C. Guillemin, devenu conservateur du musée de Minéralogie de l’École des Mines de Paris, crée ABC Mines, Association des Amis de la Bibliothèque et des Collections de l’École, dont elle est l’un des tout premiers membres. Les laboratoires du BRGM sont le premier département de l’Etablissement transféré à Orléans. Jacqueline désire rester à Paris. Elle y poursuit, au sein de l’échelon parisien du Service Géologique
National, des travaux pétrographiques et minéralogiques pour le compte des services de recherche minière du Bureau et collabore aux études d’orientation de l’exploration : La « Synthèse Afrique ».est ainsi réalisée avec André Blanchot et Gilbert Troly.

Jacqueline Sarcia devient mon assistante (fin 1972). J’apprécie, dans ce rôle difficile auprès d’un directeur général, son dévouement, la sagesse de ses réactions et l’habileté avec laquelle elle apporte sa contribution à la solution des problèmes délicats. J’ai l’habitude de lui demander son avis sur la formulation des textes que je rédige et elle s’y applique avec une scrupuleuse exigence.

Lorsque je quitte le BRGM ( fin1975), pour prendre la responsabilité de Minatome, filiale 50/50 que
Pechiney et la Compagnie Française des Pétroles ont décidé de créer, elle assure pendant trois années la rédaction et la mise en forme de la «Chronique de la Recherche minière», publication appréciée de tous les géologues miniers.

En 1978, je lui propose, pour renforcer les équipes de Minatome et parce je connais son passé et ses compétences sur les gisements d’uranium, de me rejoindre. Elle réactualise alors avec ardeur ses connaissances sur les gîtes  découverts de par le monde depuis 1962, dont elle tient à connaître et
comprendre les conditions de gisement. Elle retrouve avec bonheur le terrain. Ses conseils sont
précieux dans le choix des opérations: elle sait –qualité rare– ce qu’un éclairage scientifique peut apporter à un jugement sur les potentialités économiques d’un gisement. Elle participe aux activités du Centre de Recherche et d’Etude des Gisements d’Uranium, au sein duquel collaborent des représentants de
sociétés le plus souvent concurrentes. Participant au suivi de l’exploration et des travaux miniers menés par les équipes de Minatome, elle prodigue des conseils appréciés et exprime, dans le domaine des minerais sédimentaires qu’elle connaît moins, ses réactions de naturaliste et de chimiste. Elle continue
d’assumer parallèlement ses fonctions d’assistante du président directeur général, jouant un rôle
fondamental dans la cohésion des équipes de géologues et se souciant de leur affectation à de nouveaux postes lorsque, quelques années plus tard, la conjoncture s’étant retournée, il faudra trouver des points de chute pour beaucoup d’ingénieurs et techniciens de Total Compagnie Minière.

Elle prend sa retraite en septembre 1989. « J’ai fait le plus beau métier du monde », dira-t-elle le jour de son pot d’adieu  à ses collègues devenus pour la plupart ses amis.
Elle tourne la page de l’uranium et de la géologie, pour se consacrer à ses passions de toujours : l’histoire, la littérature, la musique, les beaux arts, et fréquenter assidument expositions et conférences au musée du Louvre.

Elle disparaît le 6 juin 2009, au terme d’une vie bien remplie.
Curieuse de tout, elle aimait également sa famille et ses amis, les roses de son jardin et ses bois de Saint-Sylvestre (87), les sciences et l’art sous toutes ses formes, le rire et la beauté du monde. Dotée d’une personnalité hors du commun, intelligence percutante, érudition exceptionnelle, à la fois cartésienne et intuitive, pétillante et pleine d’humour, passionnée et passionnante, elle a su gagner l’estime de tous, aussi bien celle des techniciens (elle recherchait l’efficacité plus que le pouvoir hiérarchique, qui ne la
tentait guère) que celle des non techniciens.

Nos pensées vont à sa fille, Catherine Sarcia-Roche, avocat au Barreau de Paris, à son petit fils, « Jean II », dont le culot et l’esprit la charmaient, et à toute sa famille.

Claude Beaumont


(1) Note sur le gisement d’étain et de wolfram de Montbelleux, Ille-et-Vilaine.
(2) La branche minière du CEA, devient sa filiale COGEMA en 1976, transférée à AREVA en 2006.
(3)Prénommé Abel, Jean, François, il se fera, après guerre, plus volontiers appeler Jean Sarcia et signera Jean A. Sarcia
(4) – Les Minerais uranifères français et leurs gisements, sous la direction de Marcel Roubault, Institut National des
Sciences et Techniques Nucléaires & Presses Universitaires de France, 1964
– Guide Géologique de la Haute Vienne, 2ème Edition, Musée Municipal Limoges 1967, Préface Serge Gauthier ; Pierre Laucagne, Jacqueline Sarcia, Paul Fitte, Jean A. Sarcia, Jacques Geffroy, Robert Avril.
(5) Création et gestion automatique d’un fichier inventaire des collections de minéralogie, Claude Guillemin,
Jacqueline Sarcia, Bull. du BRGM, 1968

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