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QUAND LE PORTABLE DEVIENT INSUPPORTABLE

QUAND LE PORTABLE DEVIENT INSUPPORTABLE

 

Il avait un air de Valentin le Désossé…A peine assis à la table que la serveuse venait de lui attribuer, il faisait jaillir de sa manche, avec la dextérité du prestidigitateur, cet objet animé qui porte le nom de téléphone portable, portable, mobile…

Assis à la table voisine, j’observais la scène avec une délectation assassine…Il était midi au bistrot du coin, le spectacle pouvait commencer !

Manifestement, Valentin est un expert dans l’utilisation de l’objet et je peux apercevoir son index en érection jouer une danse frénétique sur le clavier du téléphone. Mais les choses se compliquent un peu lorsqu’on lui apporte son plat car il a du mal à partager ses mains entre la fourchette et le portable…qu’il continue bien sûr à manipuler !

Je ne peux m’empêcher de penser au « buveur d’absinthe », célèbre tableau de Claude Monet, me disant qu’il vaut peut-être mieux « carburer » au portable qu’à l’absinthe, sachant toutefois que les deux peuvent rendre fou !

Cette scène, oh combien représentative des excès passionnels de notre époque, pourrait être l’épisode pilote d’une série presque sans fin d « anecdotes », qui ne sont malheureusement pas toujours comiques et qui sont relatives à un phénomène de société qui a envahi nos rues, nos transports en communs, nos cafés, nos magasins, nos restaurants….

Reconnaissons au moins à Valentin sa discrétion, car le plus souvent le mobile est utilisé comme un téléphone, qui parle donc, et non pas comme une machine à écrire ! Et c’est alors que les dérives sont sans limites…les « beaux parleurs » du mobile n’ayant cure en général d’importuner leur entourage, quel que soit le lieu où ils sévissent…

Je ne compte plus le nombre de fois où je me suis retourné dans la rue, croyant qu’on m’interpellait…Je ne compte plus le nombre de fois où, dans le train, je me suis senti agressé par Monsieur ou Madame mettant sa conversation à la portée des autres voyageurs et quelle conversation ! « le train arrive dans deux minutes… », « T’es où ? »….

Pourtant, il peut parfois nous arriver d’en rire…C’est ce jeune homme, dans la rue, qui, le regard englué sur son portable, se dirige droit sur moi, tête baissée, et qui peut-être un jour, pour son malheur, rencontrera un réverbère…C’est cette jeune femme , au rayon des fruits et légumes de Carrefour, qui déambule à grand peine entre les étals, car elle pousse une voiture d’enfant tout en essayant de ne pas laisser tomber son portable coincé entre sa joue et son épaule…

Heureusement, on en meurt pas, bien sûr il n’y aura pas de « pandémie du portable », sauf que peut-être le « syndrome du mobile » s’inscrira dans quelques années dans la liste déjà longue des « TOC », ces troubles obsessionnels compulsifs qui vous pourrissent la vie…et celle des autres !

On en est certes pas encore là, mais peut-on – ou même doit-on – rester indifférent à la manière dont est utilisé aujourd’hui le téléphone ambulant, manière qui relève plus de la frénésie que de la consommation raisonnée ! Avec en prime, le fait que grâce à cette merveilleuse technologie, la tranquillité des uns s’arrête où commence l’impolitesse des autres…

Enfin et surtout, ne doit-on pas se méfier avec détermination de la création de ces besoins devenus en quelques années tellement indispensables qu’ils conduisent inévitablement, au même titre qu’une drogue, à une véritable addiction et que dans le cas qui nous intéresse, ils encouragent une grande part de nos concitoyens à oublier, pour ne pas dire mépriser, les règles les plus élémentaires de courtoisie, faisant même de certains de parfaits goujats !

Alors, pour quand un code de conduite « antigoujaterie » ?

Jean-Claude Chiron

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